11 mai : rentrée scolaire ou économique ?

jeudi 30 avril 2020
par  SUD éducation 62

Le président de la république a annoncé ce lundi 13 avril que la réouverture progressive des établissements scolaires et des crèches aurait lieu le 11 mai prochain.
Cette information provoque chez les personnels de l’éducation nationale, des collectivités territoriales, chez les parents d’élèves et chez les élèves, de multiples questionnements.
À cette date, les inconnues sont nombreuses : avec quels moyens de protection sanitaire ? Quelles conditions d’accueil permettant le respect des gestes barrière ?

Cette décision brutale, sans aucun dialogue social comme d’habitude et qui n’est pas basée sur un avis du Conseil Scientifique, semble difficile à comprendre.

DE NOMBREUSES INCONNUES SCIENTIFIQUES

Rappelons que le Dr Patrick Bouet, président du Conseil de l’Ordre national des médecins, estime « qu’aucune donnée médicale ne justifie une telle décision et dénonce un manque absolu de logique. Il craint, si on précipite le déconfinement, une deuxième vague épidémique ». Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des Médecins de France, indique pour sa part "qu’une réouverture précipitée des établissements pourrait relancer l’épidémie", "si on ouvre les vannes largement, il est clair que les enfants seront à l’origine d’une recrudescence et donc de cette deuxième vague. Mais si on a les tests, si la population des écoles est masquée, je suis persuadé que cela pourra être contenu. Dans le cas contraire, le personnel des écoles sera en première ligne, tout comme leur famille. Et cela pourrait aller très vite".
De plus l’absence d’un consensus scientifique large basé sur des études menées avec toute la méthodologie et l’application nécessaires puis revues par des comités de lecture quant à la manière dont les enfants et adolescent-e-s transmettent le virus nous incite à la plus grande prudence. Nous comprenons bien qu’en pleine urgence sanitaire il est difficile de mener ces études et c’est pour cette raison que l’application du principe de précaution nous apparaît donc comme primordial !

ÉCONOMIE : 1, SANTÉ ET PROTECTION SOCIALE : 0

La logique sanitaire ici nous échappe donc. En revanche la logique économique nous saute aux yeux. Nous ne sommes pas dupes : cette réouverture ne correspond qu’à des impératifs économiques dictés par le MEDEF. Le but est de garder les enfants afin que les parents puissent retourner au travail. Preuve en est, les étudiant-e-s majeur-e-s n’ont pas besoin d’être gardés : leur rentrée se fera donc en septembre.
Ce que les étudiant-e-s risquent en retournant dans leurs universités, les élèves ne le risquent-ils pas dans leurs écoles, collèges et lycées ?

Ainsi, il était urgent de fermer les écoles en mars pour éviter la crise sanitaire et il est désormais urgent de les ouvrir pour éviter la crise économique.

Cynisme absolu : cela se fait au nom de la lutte contre les inégalités. Mais ces inégalités, en particulier dans notre département fortement frappé par la pauvreté, nous en avons conscience depuis des dizaines d’années. Nous n’avons pas attendu la prise de conscience que semble provoquer ce virus chez nos politiques pour dénoncer ces inégalités. C’est tout le sens de nos revendications sur les moyens, sur les statuts des personnels, sur les pratiques pédagogiques.

Le vernis social de ce discours est abject. Il faut ouvrir les écoles aux plus fragiles car, nos responsables viennent de s’apercevoir que ce sont leurs parents, salarié-es les plus précarisé-es qui font tourner l’économie.

IMPRÉPARATION FLAGRANTE DU MINISTÈRE

Par ailleurs nous n’avons aucunement été rassuré-e-s par les déclarations du ministre devant la commission des affaires culturelles et de l’éducation ni les maigres réponses qu’il a apportées aux questions des députés ce mardi 21 avril. Blanquer parle pour ne rien dire et se décharge sur les élus locaux et fonctionnaires. Aucune information sur les internats, la restauration scolaire, les transports scolaires, les élèves en situation de handicap et leur accompagnement par les personnels AESH et RASED, l’exiguïté des locaux qui mettra obligatoirement à mal le respect des gestes barrière. Et de nouveaux questionnements apparaissent à la lumière de ces informations :
Comment feront les enseignant-e-s pour assurer le travail en présentiel accru pour mettre en place le suivi personnalisé demandé par le ministre et en même temps assurer le travail en distanciel pour les autres élèves ?
Il indique une alternance des groupes d’élèves. Quelles seront les modalités offertes à leurs parents qui devront donc rester chez eux pour les garder ?
Cela confirme nos craintes que l’impréparation est totale : que ce soit pour la mise en place de la continuité dite pédagogique ou celle du déconfinement, le ministère et le ministre sont en plein naufrage.

Nous n’oublions pas que ce confinement plongent de nombreux-ses élèves dans des situations difficiles : difficultés sociales, violences intra-familiales, ni les effets psychologiques que cet éloignement social provoquent sur tou-te-s les élèves. Mais en situation de crise pandémique, la limitation nécessaire de la propagation du virus afin de ne pas submerger les services de santé est pour nous la première priorité afin d’éviter de trop nombreuses tragédies.

Alors, NON, face à cette logique économique, SUD éducation 62 ne laissera pas faire. Même si notre département est relativement épargné à l’heure actuelle par les vagues les plus fortes du coronavirus, le ralentissement de la propagation de ce virus qui passe par la protection des personnels, des élèves et donc de leur famille doit être notre priorité. SUD éducation 62 revendique :

→ QUE TOUTES LES MESURES ENGAGÉES RESPECTENT LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION QUI DOIT PRÉVALOIR
→ que l’application stricte des préconisations de l’OMS en matière de dépistage des patients suspects du virus puis le suivi médical des patients dépistés positifs soit effective
→ la désinfection régulière des locaux
→ la mise à disposition de 2 masques en tissu réutilisables minimum par personne, les masques anti-projection jetables devant aller en priorité aux malades et patient-e-s suspecté-e-s du Covid-19 et les FFP2 aux personnels soignants alors que ces équipements de protection manquent encore. Ces masques réutilisables seront utiles en cas de nouvelle vague épidémique pour éviter de mettre sous un stress intenable les filières d’approvisionnement comme nous avons pu l’observer jusqu’alors
→ la mise à disposition de gel hydroalcoolique et de savon en quantité suffisante ainsi que la mise en place d’assez de points de distribution dans les établissements afin d’éviter toute cohue d’élèves qui enfreindraient les gestes barrière
→ Que la réouverture des établissements doit également être conditionnée par un désengorgement net des services hospitaliers notamment de réanimation au cas où elle créerait une deuxième vague épidémique toujours dans un souci d’application du principe de précaution. Les avis des Autorités Régionales de Santé ainsi que des retours de terrain via les organisations syndicales et les collectifs de la fonction publique hospitalière (collectif inter urgences, collectif inter hôpitaux, etc) doivent valider la décision de réouverture dans les aires géographiques concernées
→ Que la situation calamiteuse des services de médecine de prévention dans l’éducation nationale les empêche d’être un outil prioritaire via des conseils adaptés à chaque établissement pour la préparation d’une réouverture dans des conditions sanitaires responsables en vue du contexte épidémique. Nous déplorons aussi le trop faible nombre de médecins et d’infirmier-e-s scolaires qui, déjà submergé-e-s par leurs missions, pourront difficilement animer des actions d’information et de prévention autour des gestes barrière au sein de tous les établissements qui nous apparaissent comme essentielles. Des moyens doivent être débloqués pour des créations de postes afin que ces missions puissent à l’avenir être remplies
→ Que des consignes claires soient données aux chef-fe-s d’établissement pour qu’ils réunissent les Commission Hygiène et Sécurité en distanciel afin qu’elles puissent débattre de manière éclairée et proposer les aménagements nécessaires selon les particularités des établissements. Nous réclamons donc leur création dans tous les établissements scolaires du primaire, du secondaire et de l’enseignement supérieur via une modification de l’article R421-25 du code de l’éducation. Ceci afin de les inclure dans le contrôle de l’application stricte des mesures sanitaires et éventuellement soumettre à leur décision la réouverture au cas par cas des établissements en tant qu’instance élue tripartite chargée « de contribuer à l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité dans l’établissement ». Nous dénonçons aussi la disparition future des CHSCT avec la loi Dussopt.
 Que pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire soit assuré le maintien a minima de la possibilité pour les parents d’obtenir des arrêts pour garde d’enfants indemnisés à 100% pour éviter la précarisation de nombreux ménages afin de résorber les inégalités sociales

Si toutes ces mesures ne sont pas mises en place, si la santé des travailleurs-euses de l’éducation qu’ils soient enseignants, administratifs, personnels de vie scolaire, agent-e-s de la territoriales et élèves, SUD éducation Pas-de-Calais appellera les personnels à faire usage de leur droit de retrait.


Documents joints

Tract - 11 mai : rentrée scolaire ou économique ?