Ecoles élémentaires : le cynisme à l’oeuvre

jeudi 19 octobre 2017
par  SUD éducation 62

Les « réformes » Macron et Blanquer s’annoncent dans la suite de ce que les gouvernements précédents ont infligé à l’école depuis plus de 20 ans. Cynisme : parce qu’humanistes dans le discours leurs mesures sont implacables et destructrices sur le terrain.

L’inclusion comme paradigme

Depuis 25 ans on assiste à une ouverture de l’école au handicap, sous pression du lobbing des associations de parents d’enfants « déficients ». Le handicap n’est pas inhérent à la classe sociale et ces parents là savent se faire entendre.
Avec un vocabulaire très tendance et humaniste axé sur le respect de la différence, les gouvernements successifs ont fait entrer de force le handicap à l’école . Pourquoi de force ? Car les moyens nécessaires et supplémentaires n’ont jamais été mis en place, hormis le recrutement de milliers de précaires sous-payé-e-s et non formé-e-s. Là encore, l’arrivée non préparée de ces travailleurs-euses dans les établissements releva d’une injonction faite aux enseignant-e-s du primaire de devenir formateurs-trices alors qu’eux -elles mêmes sont très souvent désemparé-e-s. Illes ne sont ni préparé-e-s médicalement ni psychologiquement à cette tâche.
En vingt-cinq ans, on est passé des classes spécialisées, les fameuses “classes de perfectionnement” dans lesquelles étaient relégués les élèves les plus rétifs-ves au système scolaire, aux classes “ULIS” qui accueillent dorénavant des élèves handicapé-e-s physiquement ou intellectuellement. Depuis ces dernières années, ces classes ULIS se tournent vers les classes standards pour y inclure leurs élèves.
Or, comment gérer au quotidien une classe d’un effectif de 25 élèves en moyenne, en Réseau d’Education Prioritaire, sachant qu’en étant généreux, seul un quart de l’effectif peut suivre les programmes, la moitié se situe en dessous du niveau requis et le dernier quart est complètement à la ramasse. Comment préparer sa classe quand on a 5 ou 6 niveaux différents dans celle-ci ? Ca se faisait à la campagne il y a quelques années, mais les « plus grands » étaient alors autonomes et désireux d’aider les « plus petits ». Désormais, les « plus grands » ont le même âge, ne sont pas forcément autonomes mais doivent la plupart du temps se contenter d’explications rapides d’enseignant-e-s débordé-e-s par les élèves en difficulté.
Les enseignant-e-s des classes de perfectionnement se sont transformé-e-s en quelques “maîtres d’Ulis” qui deviennent progressivement des coordinateurs-trices . Illes testent et dispatchent ensuite leurs ex-éleves dans les classes. Quid des réseaux d’aides, les RASED, composés de maîtres-esses sans classe, amené-e-s à donner un coup de pouce aux gamins en difficultés ? Leur nombre a baissé drastiquement. Les rééducateurs-trices en psycho-pédagogie et les rééducateurs-trices en psycho-motricité saupoudrent leurs interventions, courant d’un établissement scolaire à l’autre. Les psychologues, dont le statut a changé récemment deviennent petit à petit des machines à “bilanter” et ont peu de temps à consacrer aux élèves et à leurs familles.

SUD éducation revendique
 Pour que les inclusions soient possibles et bénéfiques, la baisse des effectifs des ordinaires et de ceux des classes adaptées et spécialisées. Nous revendiquons des effectifs de 10 élèves maximum inscrit.e.s dans les ULIS et SEGPA
 Un cadrage national de ces effectifs. La possibilité d’inscriptions multiples (double, triple inscription) des élèves d’ULIS dans les classes ordinaires, afin que les effectifs réels de ces classes tiennent compte de leur présence. Il faut exiger la prise en compte des inclusions dans le calcul de seuil des effectifs.
 La prise en compte effective de la situation particulière de chaque élève, via son PPS, pour l’élaboration de son emploi du temps, en tenant compte de ses besoins en terme de socialisation, de co-construction des apprentissages dans un cadre collectif.
 Un renforcement conséquent du partenariat avec le secteur médico-social et la création de postes Education nationale dans l’accompagnement (éducatif, médical, social, psychologique) pluriprofessionnel de ces élèves.
 Des AESH en nombre suffisant, formé.e.s et titulaires afin de suspendre le recours à tout contrat précaire (de droit privé ou de droit public). Nous revendiquons des emplois statutaires à temps plein.
 Une formation initiale et continue pour l’ensemble des personnels (de classes ordinaires, adaptées et spécialisées). Cette formation ne peut se réduire à une journée institutionnelle, il faut une formation initiale et continue de qualité qui intègre, outre le repérage des difficultés des élèves, des connaissances psycho-pédagogiques et le développement de pratiques pédagogiques coopératives.
 Une organisation qui permette la participation de tous les personnels impliqués aux différentes réunions concernant l’élève en situation de handicap, sur leur temps de service.classes

ordinaires et de ceux des classes adaptées et spécialisées. Nous revendiquons des effectifs de 10 élèves maximum inscrit.e.s dans les ULIS et SEGPA
 Un cadrage national de ces effectifs. La possibilité d’inscriptions multiples (double, triple inscription) des élèves d’ULIS dans les classes ordinaires, afin que les effectifs réels de ces classes tiennent compte de leur présence. Il faut exiger la prise en compte des inclusions dans le calcul de seuil des effectifs.
 La prise en compte effective de la situation particulière de chaque élève, via son PPS, pour l’élaboration de son emploi du temps, en tenant compte de ses besoins en terme de socialisation, de co-construction des apprentissages dans un cadre collectif.
 Un renforcement conséquent du partenariat avec le secteur médico-social et la création de postes Education nationale dans l’accompagnement (éducatif, médical, social, psychologique) pluriprofessionnel de ces élèves.
 Des AESH en nombre suffisant, formé.e.s et titulaires afin de suspendre le recours à tout contrat précaire (de droit privé ou de droit public). Nous revendiquons des emplois statutaires à temps plein.
 Une formation initiale et continue pour l’ensemble des personnels (de classes ordinaires, adaptées et spécialisées). Cette formation ne peut se réduire à une journée institutionnelle, il faut une formation initiale et continue de qualité qui intègre, outre le repérage des difficultés des élèves, des connaissances psycho-pédagogiques et le développement de pratiques pédagogiques coopératives.
 Une organisation qui permette la participation de tous les personnels impliqués aux différentes réunions concernant l’élève en situation de handicap, sur leur temps de service.

Les dispositifs REP /REP +

Dans les anciennes “zones de l’éducation prioritaire” rebaptisées REP, les effectifs sont limités ... Du moins pour les classes de CP dans lesquelles on teste des méthodes d’apprentissage de la lecture imposées par la hiérarchie. Résultat, dans celles de cycle 3, les effectifs grimpent à 25 élèves souvent organisés en cours doubles. Et les fameux moyens supplémentaires ? Ils consistent à faire disparaître progressivement les RASED tout en générant une paperasserie aussi chronophage qu’inutile. C’est d’abord par ce biais que l’administration se prémunit de tout problème avec des parents qui finiraient par voir clair dans ce jeu trouble.

Le recentrage sur les fondamentaux

Cela fait des années que les gouvernements successifs “recentrent”... A commencer par les Instructions Officielles que seuls les hussard-e-s à oeillères s’évertuent à appliquer au détriment de la grande majorité de leurs élèves. Les différents gouvernements se « cassent les dents » à essayer de réformer un système qui fonctionne pourtant très bien : il produit les futurs inemployables tout en leur démontrant que la faute leur incombe : dès la maternelle ces élèves sont signalé-e-s, suivi-e-s et les parents informés ...Votre gamin-e n’entre pas dans le moule, mais le moule, lui, ne changera pas ! Puis, en dernier ressort, il reste la culpabilisation : “Arrêtez de mettre votre enfant devant les écrans, limitez les jeux vidéos, et surtout : attention à facebook et consorts !”

Les nouveautés …

Les CP à 12 ! Il est difficile de critiquer une mesure réclamée par les enseignant-e-s, celle de la baisse d’effectifs, alors que depuis des décennies les gouvernements rétorquent que le nombre d’élèves par classe importe peu. Il y a quelques temps encore, Blanquer affirmait que : “la création de postes pose plus de problèmes qu’elle n’en résout”
... Et là, d’un coup d’un seul, la recette à l’échec scolaire est toute trouvée ! On ne peut-être que dans le vrai dans la mesure où ce dispositif n’a été testé nul part.
Douze serait t-il un nombre magique ?
L’objectif escompté est d’obtenir 100 % de réussite ! Le mot est lâché. Le ministère donne les moyens aux prof-e-s de CP et en même temps les enjoint de réussir, évaluations à la clé. Des évaluations qui très certainement porteront sur le “lire, compter, écrire” et sur un mode binaire. Pourtant, on ne mesure pas la compréhension sur le mode binaire, on ne mesure que des savoirs intégrés à force de répétition... Méthode à l’appui et partenariat avec des groupes privés comme c’est déjà le cas dans certains REP +, forceront des gamin-e-s de 6 ans répéter inlassablement les mêmes sons jusqu’à ce qu’illes les aient intégrés… Cet objectif de 100 % de réussite porte en lui le choix de méthodes d’apprentissage d’un autre âge. Des méthodes qui, de plus, ont fait la preuve de leur insuffisance (elles se basent sur un apprentissage linéaire, alors qu’on apprend certes à partir de ce que l’on sait, mais on retient les nouvelles informations en les reliant entres elles).
Un des problèmes de cette réforme est l’autoritarisme avec lequel on la met en place. L’uniformisation et le contrôle sont les leviers clairement choisis par le ministre pour atteindre l’objectif annoncé. Pas de méthode de lecture unique pour l’instant, mais une vérification de celles employées jusqu’ici avec un droit de regard des inspecteurs sur le choix des équipes pour le CP. Il sera de plus en plus difficile de s’éloigner de la norme établie par le ministère. Décréter 100 % de réussite, c’est nier les réalités sociales et laisser les difficultés induites à la porte dans un contexte dégradé, celui des RASED réduits à néant. Sans compter qu’à certains endroits, il arrive encore que des enfants arrivent au CP sans être passé-e-s par la maternelle.

Avec quels effectifs ?

Parlons de la question des effectifs justement. Comment mettre en place ce dispositif ? En créant 5000 postes ? On préférera en reprendre là où cela passera inaperçu : notamment en supprimant le dispositif “plus de maîtres que de classes” testé depuis la rentrée dernière et qui a visiblement échoué. Enfin, des classes de 12 élèves au CP implique de redéployer les effectifs au sein de l’école. Quel sera le nombre d’élèves dans les autres classes ? Rien n’est dit là dessus.

SUD éducation revendique :
la baisse générale des effectifs par classe, des programmes dont les contenus laissent du temps à la manipulation, l’expérimentation, la recherche, la possibilité d’un réel travail en équipe et la mise en place de pédagogies coopératives
le maintien de toutes les écoles dans les dispositifs de l’éducation prioritaire, avec des seuils d’effectifs réduits pour tout-e-s
plus de professeur-e-s des écoles que de classes dans toutes les écoles, la réduction du temps de service des PE : 18 heures d’enseignement et 6 heures de concertation et de travail en équipe, la différenciation entre le temps de travail des PE devant élèves et le temps d’enseignement pour les élèves
le respect du choix des équipes pédagogiques concernant la répartition des élèves et la constitution des classes

La fin des contrats aidés

Enfin, la cerise sur la gâteau, l’annonce d’un plan de licenciement de grande envergure. L’éducation nationale est une grande consommatrice d’emplois précaires, essentiellement sous la forme de contrats AED et CUI-CAE. Elle recoure depuis des années à un personnel qui réalise essentiellement des tâches administratives et d’accompagnement des élèves en situation de handicap sans jamais leur avoir permis d’accéder à une formation et un statut. La suppression de ces milliers de postes frappe donc des travailleurs-euses précaires, parmi lesquel-le-s un grand nombre de femmes pour qui ce contrat était la seule source de revenu.
Faute de donner une solution viable aux salarié-es, le gouvernement use d’une nouvelle forme de contrat encore plus précaire : le Service Civique.
Des Services Civiques interviennent déjà dans les établissements scolaires pour effectuer des tâches d’accompagnement des élèves en difficultés, de réalisation de projets culturels ou d’animation du temps périscolaire. Ces missions primordiales sous-traitées par l’Éducation Nationale à des associations devraient être assurées par des personnels titulaires et non-précaires. Les Services Civiques ne dépendent pas du Code du Travail et perçoivent non pas un salaire mais une "indemnité" de moins de 600 euros par mois. Alors que la mission du Service Civique doit s’inscrire dans le cadre de l’intérêt général et alimenter un projet personnel, on sait que sur le terrain les Services Civiques sont amenés à effectuer des missions qui relèvent d’emplois statutaires. Les Services Civiques, comme les stages, permettent à l’État et aux entreprises de rémunérer les travailleur-euse-s en dessous des seuils fixés par les conventions collectives. C’est un nouveau contournement du SMIC.

Donner accès à l’emploi statutaire, c’est s’assurer que toute l’année, il y aura des enseignant-e-s dans les classes, des agent-e-s qui assurent l’entretien des bâtiments et la restauration dans un cadre pédagogique , des éducateur-trice-s formé-e-s qui accompagnent les élèves en situation de handicap...C’est pourquoi SUD Éducation revendique l’arrêt du recrutement en contrat précaire et la titularisation immédiate de tous les personnels, sans condition de concours ni de nationalité (enseignant-e, agent-e et médico-sociaux) qui effectuent aujourd’hui des missions de service public en contrat précaire.

Sud éducation 62