Loi "Transformation de la Fonction Publique" = Dynamitage de la Fonction Publique

jeudi 14 mars 2019
par  SUD éducation 62

4 pages - Dynamitage Fonction Publique - Solidaires FP - 201903


 
 
 
 
 


INTRODUCTION

Le projet de loi de transformation de la fonction publique, présenté par le gouvernement par le biais du secrétaire d’État à la fonction publique Olivier Dussopt, n’est ni plus ni moins que le dynamitage de la fonction publique.

1- L’idéologie : l’ultra-libéralisme

Il s’inscrit dans une logique ultralibérale fondée sur un projet global de société qui prône l’individualisme à tout va. Chaque individu est responsable de sa vie. Ainsi, celles et ceux qui peuvent font et ont. Tant pis pour les autres.
Dans cet esprit, le gouvernement remet donc en cause tout ce qui relève de la solidarité et de principes collectifs. Par conséquent haro sur les services publics et la fonction publique, pourtant fondamentaux pour la redistribution des richesses et la cohésion sociale.

2- Le bouc-émissaire : La Fonction Publique

Dans cette société, dont il faut souligner la fragilisation, laissés pour compte, salariés et retraités pauvres, précarisés, fragilisés, se sentent aujourd’hui abandonnés laissant place à un mouvement social depuis plusieurs mois.
Dans ce contexte tendu, la fonction publique fait l’objet d’attaques en règle ; elle est présentée comme facteur de rigidité et est également pointée du doigt comme étant uniquement un coût pour la collectivité.
Dans cette logique du « moins de services publics », le gouvernement affiche ses intentions : moins de fonctionnaires (120 000 suppressions d’emplois sur le quinquennat, 60 Mds € de coupes dans les dépenses publiques).

3- Le bras-armé : CAP 2022

Pour ce gouvernement, la voilure des services publics et de la fonction publique doit être réduite à son strict minimum (cf Comité d’Action Publique 2022 - CAP 2022) :
– les missions externalisées, privatisées dès que l’opportunité s’en présente,
– les agentes et agents publics étant réduits à de simples variables d’ajustement de la dépense publique. Elles et ils doivent donc être l’objet d’une gestion flexible et docile, pour mieux accompagner la déstructuration des services publics.

4- Notre positionnement

SOLIDAIRES Fonction Publique à l’inverse défend le service public et la fonction publique qui en exerce les missions comme une richesse collective indispensable pour toutes et tous, favorisant la réduction des inégalités, mission première de l’État.
Pour SOLIDAIRES, ce projet de loi est désastreux et mortifère pour la fonction publique, les personnels, les services publics, les populations, et elle exige donc le retrait du projet de loi.

I – LA CONTRACTUALISATION GRANDISSANTE : des emplois publics comme « levier managérial »

A- La doctrine gouvernementale

Sur les 5,5 millions d’agentes et agents publics, il y a déjà 1 280 000 personnes contractuelles dans la fonction publique, pour lesquels SOLIDAIRES revendique des plans de titularisation massifs.

1- Les dérogations deviennent la règle

Mais pour le gouvernement, point n’est besoin de recruter des fonctionnaires, ou si peu, et quand on peut s’en passer c’est mieux. Désormais, « pour donner de nouvelles marges de manoeuvre » aux manageurs et manageuses publiques, les dérogations au principe d’occupation des emplois permanents de la fonction publique par des fonctionnaires se multiplient, mettant ainsi à bas ce principe fondamental qui prévoit que pour tout emploi permanent correspond un emploi statutaire.

2- Derrière la redéfinition des territoires : le retour à une certaine féodalité

De fait, c’est bien à la fin du statut général de la fonction publique que l’on veut nous amener. Dans le même but de donner des marges de manoeuvre aux managers publics, le recrutement des fonctionnaires, déconcentré au niveau des « bassins d’emplois » est développé (art. 9)

B- Les dispositifs communs à l’ensemble de la Fonction Publique

1- Des personnels contractuels sur les emplois de direction de toute la fonction publique

La possibilité de nommer des personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire sur les emplois de direction dans les trois versants de la fonction publique est ainsi ouverte (art 5 du titre II du Projet de Loi Fonction Publique – PLFP) ouvrant ainsi les vannes d’un recrutement clientéliste, politique ou relationnel, avec la recherche assumée de recrutements de « profils venus du secteur privé » sur des « postes à hautes responsabilités ».
Avec les risques d’assujettissement et de conflits vis-à-vis des intérêts privés que cela comporte à ce niveau d’emploi...

2- Le contrat de projet CDD dans les 3 versants

Sous la forme de Contrat à durée déterminée (CDD) d’un maximum de 6 ans, limité dans le temps à la satisfaction du projet, le contrat de projet (également nommé contrat de mission) est créé, à l’instar du privé (article 6).
Destiné à conduire des projets ou missions spécifiques, il n’ouvre droit ni à Contrat à durée indéterminée (CDI), ni à titularisation. Attention, ce contrat, dont la durée maximale est de 6 ans, peut être rompu par l’employeur… Précarité quand tu nous tiens.

C- Les dispositifs spécifiques aux versants

1- État : Le recrutement direct en CDI sur des emplois permanents de l’État

Dans la fonction publique d’État, la possibilité de recruter des personnels contractuels est étendue (cf exposé des motifs de l’article 7) :
– « pour faire face aux évolutions des métiers de la fonction publique et aux nouvelles demandes des usagers »
– ou « lorsque l’emploi fait appel à des compétences techniques spécialisées ou nouvelles » (recherche de profils),
– ou encore lorsque « les fonctions ne nécessitent pas une formation statutaire »,
– ou enfin « lorsque la procédure de recrutement d’un titulaire s’est révélée infructueuse ».
Du problème « d’attractivité » de certains territoires, résultat d’une gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) tournée vers la disparition des emplois et non vers l’anticipation des besoins...

2- Établissements publics de l’État : recrutement contractuel généralisé

Antérieurement le recrutement de personnels contractuels n’était possible que sur la base d’une liste d’emplois dérogatoires définie par décret. Désormais, le principe est inversé, l’embauche systématique de contractuels en CDD ou CDI est rendue possible (art. 7).

3- Territoriale : Élargissement du recours au contrat

Les employeurs territoriaux pourront développer de façon généralisée le recours aux personnels contractuels sur des emplois permanents à temps non complet sur une quotité de temps de travail inférieure à 50% de la durée légale (article 8) et sur tous les emplois dans les communes de moins de 1000 habitants.

Les accords locaux sur le temps de travail du versant Territorial en ligne de mire
Le projet de loi fonction publique prévoit dans son article 17 de supprimer les accords locaux sur le temps de travail pour le ramener aux 1607 heures.
Les collectivités locales auront l’obligation de les abroger d’ici mars 2021 pour le bloc communal, mars 2022 pour les départements, et décembre 2022 pour les régions.
Les engagements passés des collectivités territoriales seront donc rompus par décision gouvernementale. Rappelons au passage que les personnels fonctionnaires territoriaux sont les moins bien payés des trois versants de la fonction publique...

II – L’EVOLUTION VERS LA FONCTION PUBLIQUE DE METIERS EN ROUTE

A- La doctrine gouvernementale

1- Présentation

SOLIDAIRES a des réserves sur le terme « métier » qui renvoie à la fonction publique d’emploi – dite aussi de métiers – qui implique une logique de contractualisation des emplois avec recrutement sur un seul métier précis.
Cela remet en cause la fonction publique de carrière fondée sur le principe de la distinction entre le grade et l’emploi, principe fondateur du statut général de la
fonction publique.
En application de ce principe, tout fonctionnaire peut être amené à occuper tout emploi de son grade, par mobilité choisie ou du fait des restructurations impliquant une mobilité fonctionnelle.
Pour SOLIDAIRES, le principe de séparation du grade et de l’emploi consacre ainsi l’adaptabilité de la fonction publique, bien davantage que le recrutement contractuel sur un métier donné.

2- Nos propositions

C’est plutôt vers l’anticipation de l’évolution des missions et compétences requises des personnels publics qu’il faut se tourner et cela doit se traduire dans la formation initiale et continue.
Cela implique l’obligation pour l’administration de développer une formation généraliste de qualité dans les écoles de service public, complétée par des plans de
formations continue ambitieux, ce qui est loin d’être toujours le cas.
La formation ne doit d’ailleurs pas être uniquement utilitariste pour l’administration mais doit également répondre aux volontés des personnels. Et si nécessaire, face à des missions nouvelles, pour SOLIDAIRES, c’est à la création de filières professionnelles avec créations d’écoles de service public qu’il faut procéder et non au recours au contrat sur un métier dans une logique à court terme.

B- Le recrutement par concours, pour une Fonction Publique ouverte à toutes et tous,remis en cause

Le recrutement par contrat rompt avec le recrutement par concours.
Faut-il le rappeler, le principe de recrutement de fonctionnaires sur les emplois permanents de la fonction publique, avec le concours comme mode de recrutement, a pour objet de remplir les missions de service public de façon égale et impartiale. Pour toutes les usagères et usagers.

Le recrutement par concours permet un recrutement non discriminatoire, évitant tout clientélisme.
Il répond à l’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 aux termes duquel toutes les citoyennes et tous les citoyens « sont également admissibles à toute dignité, place et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que ceux de leurs vertus et de leurs talents ».

C- La mobilité forcée et les « départs volontaires » pour accompagner les restructurations

Mobilité forcée, ou comment se débarrasser des indésirables ? Tout un arsenal est prévu pour la réallocation des ressources humaines au gré de l’arbitraire des managers publics, afin de faire place aux restructurations et externalisations/privatisations de missions de CAP 2022.
Il faut pouvoir se débarrasser des personnels au gré des restructurations.

Mouvements « intra Fonction Publique »

 Des durées minimales et maximales d’occupation sont mises en place pour certains emplois afin soit de prévoir la mobilité des fonctionnaires occupant certains types d’emplois, soit au contraire de permettre de fidéliser certains personnels notamment sur un territoire.
 Mobilité encouragée entre les trois versants de la fonction publique, en particulier de l’État vers les versants territorial et hospitalier (art. 21) et portabilité du contrat à durée indéterminée entre les trois versants de la fonction publique (art. 23).

Mouvements Public/Privé

 Détachement d’office du fonctionnaire sur un contrat de travail à durée indéterminée pour suivre une mission externalisée que cette mission soit reprise par une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial ou de droit privé (art. 26).
 AR public/ privé développés « pour acquérir et développer des compétences nouvelles et nécessaires au bon fonctionnement des services publics » (art. 15). Une déontologie light est mise en place pour favoriser ces allers/retours.

Départs Fonction Publique

 Création d’un mécanisme de rupture conventionnelle aligné sur celui prévu par le code du travail, dispositif applicable aux personnels contractuels des trois versants de la fonction publique (art. 24).
Une expérimentation est prévue dans les versants État et Hospitalier avant extension aux fonctionnaires (sur 5 ans, du 1er janvier 2020 au 31 déc 2025)…
 départs volontaires de la fonction publique par démission, ouvrant droit à indemnité de départ volontaire (art. 25)

SOLIDAIRES dénonce le recours à cette mobilité forcée à tout va. Destructeur pour les personnels, cela le sera également pour les services publics qui seront exercés sans aucune égalité territoriale et sans qu’en soit assurée la permanence.
SOLIDAIRES revendique au contraire la mobilité choisie pour des parcours de carrières valorisants, et non subis.

III – LA REMUNERATION AU MERITE OU LA CAROTTE ET LE BATON

Le principe de la rémunération au mérite est affirmé dans le projet de loi (article 11 du PLFP), les modalités seront développées par voie règlementaire.

A- Deux scénarii

En avant-goût, deux scénarios nous ont été présentés lors de la concertation préalable au PLFP.

Scénario 1 : Universaliser le complément indemnitaire annuel – CIA – (partie indemnitaire variable du RIFSEEP) en bonus annuel universel modulé.

Scénario 2 : Financer la composante indemnitaire destinée à reconnaître le mérite de quelquesunes et quelques-uns en rognant considérablement l’indiciaire par le rallongement des carrières, la progression d’échelon des personnels étant ralentie d’un ou plusieurs mois par an.

SOLIDAIRES avait refusé de choisir entre la peste et le choléra. Et avait quitté le groupe de travail du 22/10/18, non sans avoir rappelé ses revendications :
– un système de rémunération homogène fondé sur des grilles fonction publique correspondant aux niveaux de recrutement et aux qualifications de manière égale,
– et des carrières linéaires revalorisées.

B- Dernières précisions

Calendrier : Si ces discussions sont renvoyées après la réforme des retraites, aucun doute sur la volonté du gouvernement d’avancer clairement dans ce sens-là.

Généralisation : Afin d’apprécier la « valeur professionnelle », l’entretien professionnel est généralisé dans les 3 versants (article 10 du PLFP).

Pour SOLIDAIRES, la rémunération « au mérite » :
– génère une dérive dans la neutralité et l’objectivité de l’exercice des missions,
– et va à l’encontre de la bonne réalisation de toutes les missions de service public de manière égale et impartiale vis-à-vis de toutes les personnes usagères.
Elle n’est donc pas conforme aux fondements du statut général de la fonction publique.

IV – LA DEMOCRATIE SOCIALE ATTAQUEE

A- Amenuisement des CAP : Arbitraire et flexibilité comme mode de gestion des ressources humaines !

Est mise en place une gestion du personnel opaque, le cadre de défense qu’est la Commission Administrative Paritaire (CAP) étant vidé de son contenu. Qu’on en juge :
Suppression du recours individuel des personnels auprès des CAP qu’il s’agisse des demandes de mutation, ou des avancements / promotions (art. 12). Vos représentantes et représentants élus ne pourront plus vous défendre sur ces sujets en CAP à partir :
– du 1er janvier 2020 en ce qui concerne les mutations,
– et de 2021 en ce qui concerne les avancements ou promotions.

Le rôle des CAP est pratiquement réduit à celui de la discipline, et à quelques domaines recours en cas de non titularisation, entretien professionnel, télétravail).
Et encore, y échappe la sanction d’exclusion temporaire de 3 jours, avec inscription au dossier, décidée sans saisine de la commission de discipline. Ce dispositif de sanction était déjà existant dans le versant Territorial. Il est désormais étendu à l’État et à l’Hospitalier (art. 13 du PLFP). Recul des droits pour les personnels mais extension des sanctions. Voilà donc qui est révélateur de la vision qu’a le gouvernement des personnels publics !
Il ne restera comme seule possibilité aux agent-e-s que d’opérer un recours contentieux (possible à l’encontre des actes relatifs à leur situation personnelle).Mais il doit être précédé, à peine d’irrecevabilité par un recours administratif préalable, ce
qui implique clairement d’affronter ouvertement son chef direct, sans aide de personne représentante du personnel.

B- Fin des CHSCT : L’impact des restructurations sur les conditions de travail ? Repassez plus tard...

À l’instar du privé, le CT et le CHSCT (Comité Technique et Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) sont fusionnés et donnent lieu à la mise en place du Comité Social d’Administration (CSA) à l’Etat, au comité social Territorial (CST) dans le Territorial, au Comité social d’Etablissement (CSE) dans l’Hospitalier
(comité social et économique dans le privé).
Seule subsiste une formation spécialisée rattachée au CT lorsque les effectifs de l’établissement dépassent un seuil fixé par décret (a priori seuil de 300 agents, également retenu dans le privé).
Sa mise en place est prévue en 2022, date de renouvellement des instances lors des prochaines élections Fonction publique.

Mais est expressément exclue de la compétence de la formation spécialisée la
question des réorganisations de services alors que cette question est fondamentale à l’heure où les restructurations de service se multiplient et même s’empilent ! L’impact des réorganisations, les risques psycho-sociaux y afférents disparaissent du champ de la nouvelle instance.
Seul le CHSCT dans sa dimension conditions de travail permettait d’y répondre. L’extension de compétence des CHS aux conditions de travail existait depuis 7 ans seulement, elle avait montré sa pleine utilité pour les personnels.

SOLIDAIRES Fonction publique exige le retrait du projet de loi. SOLIDAIRES Fonction publique appelle à la mobilisation sans attendre par la grève, les manifestations et toute forme d’actions contre ce projet de loi.