Coronavirus : rester chez soi !

samedi 14 mars 2020
par  SUD éducation 62

La communication gouvernementale est claire : limiter les déplacements au strict nécessaire. Le secrétariat général du ministère a d’ailleurs répondu en audience à une organisation syndicale en ces termes : « il faut privilégier au maximum le télétravail quand il est possible. On ne va pas demander aux AESH, AED, enseignants de venir lundi. » On ne va dans les établissements que si on a été destinataire d’un courriel nominatif le demandant. Le Ministère et la DGAFP l’ont précisé lors de la réunion de vendredi après-midi : lundi, il convient de ne pas faire venir les personnels pour rien, il faut faire prévaloir le bon sens.
Peu de membres du personnel sont indispensables à la « continuité administrative », une équipe de direction réduite et un gestionnaire suffisent. Les autres personnels ne sont pas indispensables : il est donc inutile, voire dangereux, d’exiger d’elles et eux qu’ils et elles se regroupent en réunions, parfois dans des espaces confinés, au risque de se contaminer.
Si le courriel de la rectrice indique que « les établissements scolaires demeurent ouverts aux personnels d’enseignement, d’éducation ainsi qu’aux personnels ATSS », de façon à « mobiliser toutes les compétences nécessaires et indispensables à la mise en œuvre et au bon déroulement de la continuité pédagogique et maintenir ainsi un contact régulier entre les élèves, leurs professeurs et leur établissement », cela ne stipule en aucun cas que nous devons nous rendre dans les établissements : la continuité pédagogique et les contacts professionnels entre collègues peuvent en effet être mis en œuvre d’une tout autre façon.
Enfin, les missions essentielles des AE et des AESH sont la surveillance et l’accompagnement des élèves... or il n’y aura pas d’élèves ! Elles et ils se retrouvent donc donc en mesure conservatoire et leur absence ne devra avoir aucune incidence sur la rémunération et ne pourra donner lieu à aucune forme de récupération. Un bémol cependant à propos des surveillant·e·s d’internat : les internats restant ouverts pour les élèves n’ayant pas pu rejoindre leur famille, on peut selon les établissements leur demander d’assurer leur service, à moins qu’il ne soit pris en charge par l’administration.

Comment se protéger administrativement d’un risque pour sa santé ?

Le ou la chef·fe de service est garant·e de la santé et de la sécurité des agent·e·s. Les consignes données doivent tenir compte de cet aspect. Le comité hygiène sécurité et condition de travail (CHSCT) de l’établissement a des prérogatives pour étudier la conformité des consignes avec la sécurité sanitaire. Deux outils administratifs existent également.
 Décret n°82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique

Signaler une modalité d’organisation du travail qui fait courir un risque (RSST)

Ce registre permet de noter tout risque physique ou psychique, toute altération des conditions de travail, tout manque de respect à la législation et aux droits des travailleuses et des travailleurs. Le ou la chef·fe de service (IEN, chef·fe d’établissement, d’UFR, président·e d’université, ...) est responsable de la protection de la santé physique et mentale des personnels placés sous sa responsabilité conformément aux articles L 4121-1 et suivants du code du travail. et au décret 82-453. Un fait consigné dans le RSST peut étayer une déclaration dans le registre de danger grave et imminent. L’écrit doit être factuel et concerner l’organisation du travail.
 Registre de santé et sécurité au travail, un outil pour nos conditions de travail

Registre de danger grave et imminent (RDGI) et exercice du droit de retrait

Si tu as un motif raisonnable de penser que votre situation de travail présente un danger grave et imminent pour votre vie ou santé, tu disposes alors d’un droit d’alerte et de retrait. Le droit de retrait est individuel, il s’exerce après inscription du danger grave et imminent au RDGI.
 Sur le droit d’alerte et de retrait
 Registre de danger grave et imminent, un outil de protection
 D 82-453, art. 5-6 à 5-8

Dans les circonstances actuelles, on peut exercer ce droit à distance, puisqu’il continue à s’appliquer, en adressant un courriel à la hiérarchie directe faisant le signalement désiré et demandant qu’il soit considéré comme inscrit au registre idoine. Et au besoin on exerce son droit de retrait de cette façon, ou on se met en arrêt s’il y a un avis médical en ce sens.

À nous de décider comment nous protéger et comment travailler !

Le coronavirus se développe de plus en plus sur le territoire et ailleurs. La politique de ce gouvernement et du précédent a fragilisé le système de santé. Alors peut-on se fier les yeux et la bouche fermés, nous, salarié·e·s, au ministère ou au gouvernement pour avoir des informations fiables sur notre protection face aux virus ou pour nos obligations de travail dans le cadre de la fermeture des établissements scolaires ?
En effet, comment ne pas oublier que le ministère de l’Éducation nationale s’est également peu soucié des effets de nos conditions de travail sur la santé :
 la répartition de la charge de travail sur les personnels présents lorsque des personnels techniques en arrêt-maladie ne sont pas remplacés ;
 des affectations sur plusieurs établissements sources de stress et engendrant plus de risques lors des déplacements ;
 globalement, une charge de travail toujours croissante et des injonctions toujours plus nombreuses ;
 des suicides et des souffrances chroniques dus aux conditions de travail ;
 de la toxicité à court et long terme et des risques environnementaux (amiante dans les locaux, incendie de Lubrizol…) ;
 et même, des gazages réguliers lors des manifestations pour améliorer nos conditions d’existence, devant et même parfois à l’intérieur des établissements.
Depuis l’annonce de la fermeture des établissements scolaires, les personnels de l’Éducation nationale, fonctionnaires, contractuel·le·s et précaires se retrouvent soumis·e·s à des injonctions de leur hiérarchie dans une confusion certaine, qui peuvent même varier sans raison valable d’un établissement à l’autre.
Face à un risque de contamination, c’est bien à nous de décider comment nous protéger.

Les règles sanitaires élémentaires et renforcées en raison de l’épidémie de covid-19 sont-elles mises en place dans mon établissement ? Est-il possible de se laver les mains dès l’entrée et régulièrement, en disposant de savon, y a-t-il un accès au gel hydroalcoolique pour les endroits du bâtiments éloignés des lavabos, le nettoyage régulier des surfaces utilisées par plusieurs personnes (téléphone, ordinateur, bureau, poignées…) est-il assuré, en se souciant des conditions de travail des agent·e·s assurant ces tâches ? Si les agent·e·s n’ont pas le matériel suffisant ou la garantie de pouvoir faire ce travail dans des conditions sans risque pour leur santé, ils et elles ne doivent pas le faire, et par solidarité les autres personnels ne doivent pas se rendre sur le lieu de travail. Si ces conditions ne sont pas toutes réunies, non plus.
Si l’école ou l’établissement accueille tout de même des enfants pour assurer la continuité pédagogique, les précautions élémentaires sont-elles prises ? D’après les informations sanitaires qui nous parviennent, les enfants en bonne santé sont moins susceptibles de développer la maladie ou l’une de ses formes graves. Mais s’il s’agit des enfants de professionnel·le·s fortement exposé·e·s au coronavirus, ils et elles peuvent malheureusement en être porteurs/ses. Leur accueil prévoit-il d’éviter des contacts des mêmes surfaces par plusieurs personnes dans un temps rapproché ? Une distance de 2 mètres au moins (nouvelle estimation sur certains sites médicaux) est-elle respectée à chaque instant ? L’impact de la VMC sur la transmission aérienne a-t-il été évalué par l’administration ? Si ces conditions ne sont pas réunies, on ne vient pas.

Le télétravail est régi par une réglementation précise.

Ordinairement il se fait sur la base du volontariat. Toutes les dépenses qu’il implique doivent être prises en charge par l’employeur. L’Education nationale nous donne-t-elle la capacité de le mettre en place ? Met-elle à disposition des personnels du matériel performant et une bonne connexion ? Le droit à la déconnexion nécessaire à une bonne santé (pour le télétravail les textes parlent de trois jours par semaine) est-il appliqué ?

La crise sanitaire ne peut justifier l’atteinte à la liberté pédagogique. La hiérarchie ne peut nous imposer des modalités de travail en dehors du cadre légal. Si elle peut évidemment communiquer des pistes de travail à distance, en nous fournissant les outils nécessaires, nous pouvons choisir nous-mêmes nos modalités de communication avec nos élèves et leurs familles même en cas de télétravail, et il en est de même pour les modalités de travail et d’évaluation, du moment que ces tâches sont assurées. On ne peut nous imposer d’utiliser un outil particulier ou de donner nos coordonnées personnelles !
Le télétravail ne doit pas être une cause d’inégalité femmes/hommes. Avec un patriarcat toujours bien présent dans la société, il ne serait pas étonnant d’avoir à constater que l’on demande aux femmes à la fois de rester chez elles pour garder les enfants et d’accomplir un télétravail. Alors ayons tout de suite les bons réflexes ! Quand on a le choix, il n’y a pas de raison que ce soient les femmes qui sollicitent de rester à la maison pour garder les enfants. Et si on ne va pas au travail dans le cadre du régime dérogatoire actuel parce que l’on garde les enfants, alors comment dans ce cas se consacrer au télétravail ? Un retour à la double journée de travail, mais cette fois en même temps ? Faisons entendre cet argument si nécessaire.

Des dérogations pour ne pas se rendre en établissements existent, utilisons-les.

• Garde d’enfants. Les établissements scolaires étant fermés, on peut solliciter de rester chez soi pour garder ses enfants, quand on ne trouve pas de solution de garde. La garde d’enfants est un travail, ce n’est pas une activité annexe. Cette activité pleine et entière n’est pas vraiment compatible avec le télétravail ! Chacun·e est libre de ses choix, mais aussi de rappeler ce fait.
• État de santé à risque. Les personnes vulnérables médicalement (maladies chroniques, notamment pulmonaires, cardiovasculaires ou diabète, immuno-dépression…), ou qui ont des proches vulnérables, ont la possibilité de rester confinées chez elles sur simple déclaration à leur supérieur·e direct·e. Celui-ci ou celle-ci n’a pas à avoir une information médicale, le secret médical reste valable. Éventuellement si le ou la chef·fe est particulièrement suspicieux/se malgré les consignes actuelles, on peut solliciter un certificat médical (au médecin traitant… par téléphone, c’est mieux !) pour attester de ce fait, qui n’a pas besoin de mentionner la pathologies. En cas d’urgence ou d’incompréhension coupable de la hiérarchie, on peut aussi solliciter un arrêt de travail, qui ne doit pas donner lieu à une journée de carence.
Précaution médicale : attention aux anti-inflammatoires. Une information médicale nous est parvenue récemment, qui émane d’une professeure d’infectiologie de Toulouse : il y a un doute sur l’évolution de la maladie en cas de prise d’anti-inflammatoires pour des symptômes naissants (type advil, ibuprofen, nurofen, ketoprofene, profenid, voltarène...). Prenez l’avis de votre médecin à ce sujet, si vous êtes tenté·e·s d’en prendre – évitez l’auto-médication.

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