Le « renouveau pédagogique »

jeudi 25 janvier 2018
par  SUD éducation 62

De nouveau, on se retrouve avec un ministre qui, dans sa communication, conchie les recherches en pédagogie et les méthodes constructivistes et prône le « bon sens », le retour aux saines et vraies valeurs, les fameux « lire, écrire, compter ».

Le recentrage sur les fondamentaux


Cela fait des années que les gouvernements successifs “recentrent”... A commencer par les Instructions Officielles que seuls les hussard-e-s à oeillères s’évertuent à appliquer au détriment de la grande majorité de leurs élèves. Les différents gouvernements se « cassent les dents » à essayer de réformer un système qui fonctionne pourtant très bien : il produit les futurs inemployables tout en leur démontrant que la faute leur incombe : dès la maternelle ces élèves sont signalé-e-s, suivi-e-s et les parents informés ...Votre gamin-e n’entre pas dans le moule, mais le moule, lui, ne changera pas ! Puis, en dernier ressort, il reste la culpabilisation : “Arrêtez de mettre votre enfant devant les écrans, limitez les jeux vidéos, et surtout : attention à facebook et consorts !”, cela en developpant le numérique à l’école, partenariat avec Microsoft et consorts oblige…
M. Blanquer, Ministre de l’éducation nationale, a réagi récemment aux résultats de l’évaluation internationale PIRLS. Le ministre tire prétexte de cette publication pour relancer son offensive idéologique sur la lecture et contre la liberté pédagogique.
Cette enquête cherche à évaluer « l’aptitude à comprendre et à utiliser les formes du langage écrit que requiert la société ». Elle constate que les élèves des écoles françaises déchiffrent plutôt bien et qu’ils et elles sont capables de retrouver des informations dans un texte. Ce sont les capacités de compréhension, de décontextualisation, d’application au monde réel qui font défaut. L’enquête propose plusieurs pistes d’explication, dont le rapport à la lecture dans la société et les familles et le type d’exercices proposés aux élèves, trop peu axés vers la compréhension. Le rapport pointe surtout le manque de formation continue des enseignant-e-s en France, ce que SUD éducation ne cesse de dénoncer. Encore faut-il que ces formations soient axées sur les réels besoins des collègues et des élèves...
Le ministre répond à ce constat par les mêmes vieilles recettes des programmes de 2008 : une réaffirmation de la nécessité d’une dictée quotidienne, le renforcement de l’étude de la grammaire, la récitation quotidienne en élémentaire, le vocabulaire en maternelle… .
La réponse du ministre est complètement décalée et purement idéologique.
M. Blanquer, qui avait promis qu’il ne réformerait pas les programmes, annonce désormais que finalement, oui, il va les changer. Quand on sait que les programmes qu’ont suivis les élèves évalué-e-s par cette enquête sont ceux de 2008 – sans doute les pires depuis des décennies – que le même Blanquer a mis en oeuvre alors qu’il était directeur de la Dgesco, on peut être inquiet-e-s pour l’école publique et pour les élèves.
Surtout que le ministre veut confier les programmes et la formation à un comité scientifique centré sur les sciences cognitives, au détriment de toutes les approches pédagogiques complexes et collectives des apprentissages. Le principal objectif de ce comité sera de produire des évaluations nationales à foison.
Enfin, le tour autoritaire de la politique du ministère se manifeste en toute clarté dans son projet de contrôle des manuels scolaires. Le conseil scientifique à la botte du ministère donnera un label aux manuels scolaires. Ce label sera réservé aux manuels qui respecteront la nouvelle doctrine d’État en matière d’enseignement, en premier lieu sur la lecture, cherchant ainsi à imposer la méthode syllabique. Car notre ministre l’affirme : « notre institution doit indiquer le cap. La liberté pédagogique ce n’est pas l’anarchisme pédagogique »
SUD éducation dénonce cette offensive réactionnaire du Ministre de l’éducation nationale sur l’école primaire. Nous appelons à constituer un vaste front de lutte en défense de l’école publique et de la liberté pédagogique.

les CP à 12 !


Il est difficile de critiquer une mesure réclamée par les enseignant-e-s, celle de la baisse d’effectifs, alors que depuis des décennies les gouvernements rétorquent que le nombre d’élèves par classe importe peu. Il y a quelques temps encore, Blanquer affirmait que : “la création de postes pose plus de problèmes qu’elle n’en résout” ... Et là, d’un coup d’un seul, la recette à l’échec scolaire est toute trouvée ! On ne peut-être que dans le vrai dans la mesure où ce dispositif n’a été testé nulle part.
Douze serait t-il un nombre magique ?
L’objectif escompté est d’obtenir 100 % de réussite ! Le mot est lâché. Le ministère donne les moyens aux prof-e-s de CP et en même temps les enjoint de réussir, évaluations à la clé. Des évaluations qui très certainement porteront sur le “lire, compter, écrire” et sur un mode binaire. Pourtant, on ne mesure pas la compréhension sur le mode binaire, on ne mesure que des savoirs intégrés à force de répétition... Méthode à l’appui et partenariat avec des groupes privés comme c’est déjà le cas dans certains REP +, forceront des gamin-e-s de 6 ans répéter inlassablement les mêmes sons jusqu’à ce qu’illes les aient intégrés…
Cet objectif de 100 % de réussite porte en lui le choix de méthodes d’apprentissage d’un autre âge. Des méthodes qui, de plus, ont fait la preuve de leur insuffisance (elles se basent sur un apprentissage linéaire, alors qu’on apprend certes à partir de ce que l’on sait, mais on retient les nouvelles informations en les reliant entres elles).
Un des problèmes de cette réforme est l’autoritarisme avec lequel on la met en place. L’uniformisation et le contrôle sont les leviers clairement choisis par le ministre pour atteindre l’objectif annoncé. Pas de méthode de lecture unique pour l’instant, mais une vérification de celles employées jusqu’ici avec un droit de regard des inspecteurs sur le choix des équipes pour le CP. Il sera de plus en plus difficile de s’éloigner de la norme établie par le ministère. Décréter 100 % de réussite, c’est nier les réalités sociales et laisser les difficultés induites à la porte dans un contexte dégradé, celui des RASED réduits à néant. Sans compter qu’à certains endroits, il arrive encore que des enfants arrivent au CP sans être passé-e-s par la maternelle.

Avec quels effectifs ?


Parlons de la question des effectifs justement. Comment mettre en place ce dispositif ? En créant 5000 postes ? On préférera en reprendre là où cela passera inaperçu : notamment en supprimant le dispositif “plus de maîtres que de classes” testé depuis la rentrée dernière et qui a visiblement échoué. Enfin, des classes de 12 élèves au CP implique de redéployer les effectifs au sein de l’école. Quel sera le nombre d’élèves dans les autres classes ? Rien n’est dit là dessus.
SUD éducation revendique :
 la baisse générale des effectifs par classe, des programmes dont les contenus laissent du temps à la manipulation, l’expérimentation, la recherche, la possibilité d’un réel travail en équipe et la mise en place de pédagogies coopératives
 le maintien de toutes les écoles dans les dispositifs de l’éducation prioritaire, avec des seuils d’effectifs réduits pour tout-e-s
 plus de professeur-e-s des écoles que de classes dans toutes les écoles, la réduction du temps de service des PE : 18 heures d’enseignement et 6 heures de concertation et de travail en équipe, la différenciation entre le temps de travail des PE devant élèves et le temps d’enseignement pour les élèves
 le respect du choix des équipes pédagogiques concernant la répartition des élèves et la constitution des classes


Documents joints

Tract - renouveau pédagogique - Janvier 2018