Arras : les lycéen-ne-s de Guy-Mollet votent pour de nouveaux blocages … et les profs appellent les parents au rejet des réformes du bac et du lycée... et les CRS débarquent !
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Semaine du 14 janvier
Communiqué des sections CGT Educ’action, Snes et Sud éducation du lycée Guy Mollet, Arras
Peut-on traiter les élèves comme ça ?
Alors qu’à longueur d’EMC, de TPE et de CVL, nous ne cessons de parler à nos élèves d’"engagement" et de "citoyenneté", nous les incitons à être "acteurs", "autonomes", à "exprimer leur opinion", l’Éducation Nationale ne semble pas du tout disposée à entendre la voix des lycéens. Les élèves du lycée Guy Mollet ont eu l’occasion de le constater à plusieurs reprises cet hiver.
En effet, un collectif de lycéens se mobilise depuis le début du mois de décembre contre Parcoursup et les réformes du bac et du lycée, et a déjà mené plusieurs actions : blocage (total ou partiel) du lycée, manifestations, organisation d’AG regroupant 150 élèves, distribution de tracts, interventions dans les classes, dépôt de leurs revendications auprès de la DSDEN du Pas de Calais, etc. Respectueux et ouverts à la discussion, ils ne se sont pas montrés violents, n’ont rien dégradé, et n’ont tenu aucun propos insultants ou menaçants.
Or, face à cette mobilisation en tout point exemplaire, les autorités, qu’elles soient scolaires ou policières répondent par la répression. D’une part, les élèves mobilisés sont en interne régulièrement convoqués, dissuadés et culpabilisés.Mais surtout, à plusieurs reprises, aussi bien au mois de décembre que ces derniers jours, les forces de l’ordre ont été appelées pour mettre fin au blocage. Les élèves ont subi lors de ces interventions remarques et brimades de la part des policiers et ont été confrontés à l’injustice d’arrestations totalement arbitraires et provocatrices. Aucune suite judiciaire n’a été donnée à cela mais chacun peut imaginer la pression exercée pendant quelques heures sur ces jeunes, et sur tous leurs camarades.
Ces faits nous ont déjà semblé choquants. Mais hier lundi 14 janvier, nous estimons qu’un pas supplémentaire a été franchi dans la répression du mouvement, puisque des policiers équipés de casques et de boucliers ont franchi la grille du lycée pour empêcher le blocage depuis l’intérieur.
Quel exemple et quelle image de notre société démocratique donne-t-on à nos élèves ?
Cette réponse sécuritaire disproportionnée à une mobilisation responsable et construite habitue de futurs citoyens, dans un lieu d’éducation, à l’absence de dialogue et à la peur de la répression policière. Elle montre aux autres élèves qu’il n’est pas bon de prendre la parole si ce que l’on a à dire bouleverse un tant soit peu l’ordre établi. Elle tend à persuader tous les lycéens qu’une manifestation peut être un acte dangereux et irresponsable. Elle dissuade la plupart des parents - pourtant très inquiets des réformes en cours - à prendre part à la moindre mobilisation, et d’encourager leurs enfants à se battre pour un futur qui leur semble meilleur.
En définitive, c’est la liberté de s’exprimer qui est déniée aux élèves mobilisés, dont la liberté de manifester est une forme, reconnue par le droit. L’administration du lycée lui oppose "le droit de circuler", prétendant que les élèves qui tentent une action de blocage nient ce "droit" à d’autres élèves. C’est un pur sophisme qui établit d’emblée une hiérarchie de droits totalement discutable. C’est la même rhétorique liberticide et autoritaire qui est déployée par le pouvoir et les patrons à l’encontre des travailleurs et des travailleuses quand ils se mettent en grève et décident de bloquer la production (convoquant "la liberté de travailler" et "de circuler" pour les non grévistes). S’il en était ainsi, il n’y aurait jamais eu aucun acquis social. Et voilà ce qu’on apprend aujourd’hui aux élèves au lycée Guy Mollet : la soumission aveugle à l’autorité et à la force.
Les enseignants que nous sommes peuvent-ils cautionner par leur silence cette réponse répressive ?
Semaine du 7 janvier
Après une première série de blocages et de manifestations tout au long du mois de décembre, ce début d’année promet d’être agité sur le front des revendications lycéennes.
Le mardi 8 décembre,une centaine de lycéens de Guy-Mollet ont voté pour de nouveaux blocages de l’établissement dès la semaine prochaine. La mobilisation contre Parcoursup et la réforme du bac promet de s’inscrire dans la durée.
Les élèves du lycée Guy-Mollet d’Arras se sont réunis ce mardi matin [8 janvier] pour décider des suites à donner au mouvement. L’occupation du lycée ou un blocage filtrant ont été envisagés.
Mais les élèves se sont finalement prononcés pour un blocage total de leur établissement dès la semaine prochaine. Preuve que la mobilisation ne faiblit pas.
Appel aux enseignants et enseignantes du lycée Guy Mollet
Mobilisation générale, élèves, parents et professeurs contre la réforme du bac et du lycée
Les professeurs réunis ce mardi 08/01/2018 sont unanimes pour rejeter la réforme du baccalauréat, tant sur la forme de sa mise en place que sur le fond.
Nous sommes invités à nous réunir, ce jeudi 10 janvier, lors de deux heures généreusement balisées consacrées à cette réforme. Nous déclarons dès à présent que nous refusons d’accompagner cette réforme en quelque façon, nous la jugeons néfaste tant pour le corps enseignant que pour les élèves. Nous invitons les collègues à s’accorder dans chaque discipline pour refuser d’accompagner ce processus
Sur la forme, nous ne pouvons sérieusement étudier les programmes parcellaires, bâclés et qui ne sont encore que des projets, donc susceptibles de changer, dans chaque discipline, dans un délai aussi court. Nous proposons donc que les rapports des coordonnateurs fassent état de ce refus et ne commencent pas à entrer dans des considérations sur les aménagements possibles de la réforme.
Nous appelons chaque collègue, également, à adopter une position quant à la réunion de jeudi qui marque clairement le rejet de la réforme. Nous rappelons à toutes fins utiles que la présence à cette réunion n’est pas obligatoire, les collègues qui n’ont pas cours ne sont pas tenus d’y assister, et les collègues ayant cours peuvent tout à fait assurer normalement leurs cours aux heures prévues. Pour celles et ceux qui souhaiteront participer à la réunion, nous prendrons la parole pour redire notre refus avec cette déclaration liminaire.
Cette réunion ne doit pas être un prétexte qui serait mis en avant pour justifier d’une « concertation » qui pourrait ensuite être présentée comme la marque de notre soutien ou à tout le moins de notre acceptation de la réforme.
Nous appelons chaque collègue à faire mentionner, dans le compte rendu du conseil d’enseignement de sa discipline son refus de la réforme et de participer à sa mise en œuvre.
Les élèves étaient également présents, nombreux, à cette assemblée générale. Ils et elles ont décidé d’actions pour lutter contre la réforme : blocage du lycée, manifestations… En tant qu’enseignants concernés au premier chef par cette réforme, nous ne pouvons passivement laisser les élèves se battre seuls.. pour nos intérêts communs.
Nous appelons donc chacun et chacune à marquer auprès des élèves leur soutien, à participer aux actions organisées par les élèves, a minima. Il est également possible de nous mettre en grève si la situation l’impose.
D’emblée, nous déclarons que si la réforme n’est pas abandonnée, nous nous préparons à durcir la mobilisation par tous les moyens possibles, y compris aux moments des examens et du bac. Mais nous n’attendrons pas cette échéance pour agir.