Déclaration liminaire de la CAPA avancement du 17 mai 2021

mardi 25 mai 2021
par  SUD éducation 62

Le 17 mai 2021, la CAPA des certifié·e·s s’est à nouveau réunie dans le cadre du PPCR : les représentant·e·s des personnels étaient consulté·e·s sur les accélérations d’ancienneté proposées par le rectorat à l’issue de la campagne 2020-2021 des rendez-vous de carrière – pour le passage de l’échelon 6 à l’échelon 7, ou du 8 au 9. Ces accélérations d’ancienneté ont évidemment une conséquence sur la progression de la rémunération et la possibilité d’accéder à la hors-classe plus ou moins rapidement.

Les précédentes CAPA consacrées au PPCR ont souligné, sans surprise (sauf peut-être le fait d’entendre certaines organisations se féliciter d’avoir soutenu le PPCR tout en dénonçant son fonctionnement – mystères du cerveau humain... Cela continue à rendre perplexes les commissaires paritaires de SUD éducation.), l’opacité de ce protocole et le règne constant de l’arbitraire – avec des représentant·e·s de chef·fe·s d’établissement incapables d’expliquer une dégradation brutale de l’évaluation de certain·e·s collègues, des représentant·e·s des IPR qui invoquent à tour de langue de bois dans des bouches doucereuses des « marges de progrès » encore présentes pour d’autres collègues, et des incohérences à tous les niveaux, entre les appréciations rédigées et les items retenus.

Cette réunion consacrée aux bonifications d’ancienneté a commencé par les déclarations liminaires des organisations syndicales.

Plusieurs organisations ont à nouveau mis en avant la gestion de la crise sanitaire par le ministère : absence des auto-tests, demi-jauges à géométrie variable, incohérences des annonces ministérielles à propos du baccalauréat. L’Union SUD éducation de l’Académie de Lille partage pleinement ce constat, et considère que le ministère fait preuve d’un grand mépris pour les élèves qui ont subi des conditions erratiques d’enseignement sur la période. Le rectorat n’a pas répondu à ce sujet, considérant qu’il n’a aucune responsabilité dans cette situation. Les chef·fe·s d’établissement ou les inspecteurs/trices dit·e·s « pédagogiques » semblent n’avoir rien à dire là-dessus non plus.

Il a également été souligné que depuis le 1er janvier 2021 bien des prérogatives de contrôle des décisions de l’administration sont retirées aux commissions paritaires – celle-ci se tenant dans l’ancien cadre en raison du retard pris par l’administration. Les décisions rectorales de passage à la hors-classe ou à la classe exceptionnelle se prendront donc hors du regard des représentant·e·s des personnels.

Quelques organisations ont également repris à leur compte, avec d’autres mots, la revendication exprimée par la fédération des syndicats SUD éducation depuis le début de la crise sanitaire : la nécessité d’un plan d’urgence pour l’Éducation, comprenant des postes en nombre suffisant pour pallier l’explosion des inégalités scolaires. Évidemment, alors que dans certaines académies des collègues appuyé·e·s par SUD éducation poursuivent la lutte contre l’insuffisance des dotations horaires globalisées (DHG), le rectorat n’a eu aucun mot de réponse à ce sujet. La situation d’apprentissage difficile vécue par nos élèves n’est pas un sujet pour lui dans ce cadre. Aucun·e représentant·e des chef·fe·s d’établissement ou du corps d’inspection n’a exprimé non plus une quelconque préoccupation à ce sujet.

Enfin, concernant l’objet même de cette CAPA, plusieurs éléments du tableau fourni par l’administration ont fait l’objet de remarques de la part des représentant·e·s des personnels.

Pour bien comprendre, il faut savoir que le rectorat propose un tableau où les collègues promouvables à une bonification d’ancienneté (raccourcissement de la durée nécessaire pour monter un échelon) sont classé·e·s par ordre de supposé mérite, la première condition de classement étant l’item final retenu par la rectrice à l’issue de la phase des rendez-vous de carrière. Ensuite, d’autres critères « affinent » le classement : l’ancienneté de service et l’âge des collègues. Contrairement à ce que pratique la rectrice, l’attribution des items est supposée ne pas être soumise à quota, tandis que la consigne officielle du ministère est de ne promouvoir que 30 % des collègues tous corps confondus. Enfin, l’évaluation est officiellement individuelle.

Un point positif a tout de même été souligné par SUD éducation : il y a désormais une plus grande parité parmi les bénéficiaires d’une accélération de l’ancienneté . Nous avons cependant demandé une vision d’ensemble des progressions de carrière, des accélérations d’ancienneté aux promotions à la hors classe ou à la classe exceptionnelle – celles-ci étant bien davantage masculines malgré un corps majoritairement féminin ; la directrice des ressources humaines du rectorat est malheureusement restée muette à ce sujet.

D’autre part, le quota officiel de 30 % de bonifications d’ancienneté oblige à ne pas promouvoir des collègues, même quand la hiérarchie souligne leur implication et leurs qualités professionnelles. Dans le cadre du PPCR, avec ces quotas, les critères pour départager les collègues se jouent à rien du tout ; pire ils sont à géométrie variable.

En effet, pour différentes raisons, des collègues n’ont pas eu d’avis final (4,5 % des situations). Selon la directrice des ressources humaines, cela est dû à l’absence de rendez-vous de carrière ou de visite d’inspecteur/trice, ou concerne des collègues néo-titulaires ou nouvellement arrivé·e·s dans le corps. Le corps d’inspection a été sollicité pour organiser des entretiens téléphoniques avec ces collègues et les « inter-classer » (sic) dans le tableau. Les critères d’« inter-classement » n’ont pas été donnés à la CAPA.

D’autre part, l’administration a choisi de ne pas bonifier l’ancienneté de plusieurs collègues pour en choisir d’autres situé·e·s plus bas dans le classement. Nous avons appris qu’il s’agissait d’un choix délibéré du corps d’inspection, non prévu par les textes et dont les collègues n’ont pas eu connaissance lors des rendez-vous de carrière.

17 collègues sont concerné·e·s. Pour le passage de l’échelon 6 au 7, les 71 collègues avec un avis Excellent ont vu leur ancienneté bonifiée car ils et elles représentent moins de 30 % des promouvables. Le quota a été complété par des collègues avec un avis Très satisfaisant avec le double critère de la parité et de l’équilibre disciplinaire (sans plus de précisions). Les disciplines sanctionnées cette année par cette pratique non officielle du corps d’inspection sont surtout l’histoire-géographie, les lettres modernes, les lettres classiques (pas d’avancement), la SVT, l’éducation musicale (11 % de bonifications pour 22 % d’avis Excellent). Les collègues de ces matières qui souhaiteraient plus de précisions peuvent les demander collectivement à leurs inspecteurs/trices, parce que nous, nous n’avons pas compris ; presque toutes les organisations syndicales ont dénoncé cette atteinte à une évaluation sortant des stricts critères de l’engagement professionnel individuel. La DRH a invité le corps d’inspection à expliquer la méthode. Après un très très long silence, une inspectrice a tenté de le faire. Voici ce que nous avons pu noter. « On n’est pas encore entré dans le détail mais je peux dire que l’on entend [de la part de l’administration] un désir de pouvoir transmettre aux enseignant·e·s des décisions prises avec légitimité, or faire un choix c’est forcément renoncer. Pour autant l’idée qui nous guide est celle d’une réelle équité car [nos choix cherchent à ne pas privilégier] la loi de la discipline la plus nombreuse ; sinon quelques disciplines porteraient la majorité des promotions au détriment d’autres. Cela correspond à notre idée du collège. Nous aussi on est là pour accompagner, pour valoriser, en cette période encore plus que d’habitude. Nous sommes là. L’idée est justement que les services ont opéré des choix ; on aimerait ne pas avoir à en faire mais ce sont des choix. La réalité est variable, si on choisissait une seule ligne directrice on serait en-dehors de l’équité. On est dans cette lignée de chercher une solution qui soit la moins pire. Les critères ont été choisis pour être les plus justes possibles. »

En effet, même si ce principe disciplinaire a été décidé lors de la discussions sur les « Lignes directrices de gestion » (LDG) en Comité technique académique (avec l’opposition des organisations syndicales qui y siègent – SUD éducation n’y a pas d’élu·e.), l’administration n’a pas été en capacité de convaincre la plupart des commissaires paritaires du bien fondé de cette condition supplémentaire à la progression de rémunération, et les IPR ont refusé de présenter les critères de discrimination – qu’ils et elles affirment pourtant objectifs ! Cela démontre en creux la grande subjectivité des évaluations des inspecteurs/trices pédagogiques.

Les IPR ne le reconnaîtront pas, évidemment : leurs représentant·e·s ont répété et répété, comme pour se convaincre eux-mêmes et elles-mêmes, être toutes et tous animé·e·s par la plus grande bienveillance, le plus grand souci d’équité, voire pour l’un d’entre eux, par un sentiment de fraternité ! C’était émouvant à entendre, dommage que cela se traduise si peu en pratique.

Quoi qu’il en soit, SUD éducation 59/62 a demandé à deux reprises au corps d’inspection d’informer les collègues que ce critère discriminant s’ajoute aux critères officiels du PPCR, et de l’assumer devant les collègues – notamment en histoire-géographie, mais pas seulement. Les représentant·e·s des IPR ne s’y sont pas engagé·e·s (A noter, les chef·fe·s d’établissement n’ont quant à elles et eux, à nouveau, pas pris part aux débats, comme s’ils et elles n’avaient rien à voir avec le PPCR.).

Comme pour les recours PPCR, le sentiment d’injustice et la démotivation s’enracinent. Alors que les rémunérations insuffisantes des enseignant·e·s en France sont partout pointées du doigt (le pouvoir d’achat des enseignant·e·s a baissé de 21 % depuis 2010), l’administration de l’Éducation nationale continue de ne pas reconnaître l’implication exceptionnelle des collègues, d’autant plus dans une période où chacun·e a fait le maximum tandis que le ministère n’assume pas ses responsabilités.

La bonification d’ancienneté ne concerne que 91 collègues sur 303 promouvables pour le passage de l’échelon 6 à l’échelon 7, et 117 collègues sur 393 pour le passage du 8 au 9.

Au cours du débat quelques organisations syndicales ont insisté pour promouvoir tout de même deux collègues parmi celles et ceux qui entraient aussi dans les critères. L’administration a accepté… en annonçant « dé-promouvoir » deux autres collègues pour ne rien changer au nombre total. SUD éducation a refusé de participer à ce petit jeu au détriment de collègues.

Le tableau des bonifications a enfin été mis au vote. Les prises de position illustrent parfaitement le malaise ressenti par tou·te·s les commissaires paritaires face aux pratiques de l’administration.
FO : contre. Snalc : abstention. CFDT : abstention. Snes : contre. CGT : abstention. UNSA : abstention. SUD éducation a déclaré que les beaux mots prononcés par l’administration pendant la CAPA, « dentelle » (Selon un·e inspecteur/trice, évaluer les personnels ce serait comme faire de la dentelle.), « équité », « fraternité », ne masquaient pas l’ahurissant protocole à l’œuvre, défendu par tant de personnes censées être sensées. En conséquence, SUD éducation 59/62 n’a voté ni pour, ni contre, ni abstention et s’est refusé à participer à un vote dans ces conditions.

A la précédente CAPA, nous avions dénoncé le tropisme de l’administration à s’arranger pour qu’environ 30 % des collègues aient un avis final Excellent, tout en affirmant qu’il s’agit d’une évaluation individuelle sans quota – ce qu’avait contredit un IPR avant de se faire retoquer fermement par la DRH. Pour l’administration, une seule chose compte, ne pas dépasser la faible ligne budgétaire prévue pour la valorisation ; peu importe si des collègues ne reçoivent aucune reconnaissance de l’administration malgré une implication importante dans l’établissement et pour les élèves, et peu importent la colère, l’écœurement ou le découragement, ou la fracture qui s’agrandit entre les collègues et une hiérarchie très éloignée de la réalité du terrain. Il est aussi difficile de savoir si les représentant·e·s des hiérarchies administrative et pédagogique ressentent à titre individuel une forme de honte à cautionner un processus aussi violent et méprisant, et difficile de savoir s’ils et elles croient aux mots en chêne massif avec lesquels ils et elles construisent un fragile édifice d’auto-justification.

Déclaration liminaire SUD Educ 59/62 CAPA 17 mai